
Le marché du travail français fait face à de nombreux défis structurels. Entre chômage persistant, inadéquation des compétences et mutations économiques, les pouvoirs publics et les acteurs économiques cherchent constamment à mettre en place des stratégies pour dynamiser l'emploi. Ces dernières années ont vu se succéder une série de réformes et d'initiatives visant à moderniser le cadre réglementaire, stimuler la création d'emplois et améliorer l'employabilité de la main-d'œuvre. Quelles sont les principales stratégies déployées pour insuffler un nouveau dynamisme au marché du travail hexagonal ?
Réformes structurelles du marché du travail français
La France a entrepris plusieurs réformes structurelles majeures ces dernières années pour assouplir son marché du travail, longtemps considéré comme trop rigide. Ces réformes visent à la fois à faciliter les embauches et les licenciements pour les entreprises, tout en sécurisant les parcours professionnels des salariés. Elles s'inscrivent dans une volonté de flexisécurité inspirée des modèles nordiques.
Loi el khomri et son impact sur la flexibilité de l'emploi
Adoptée en 2016, la loi El Khomri, aussi connue sous le nom de "Loi Travail", a marqué un tournant dans la réglementation du travail en France. Elle a notamment introduit plus de flexibilité dans la durée du travail et les licenciements économiques. La loi a facilité les accords d'entreprise sur le temps de travail, permettant de déroger dans certains cas aux accords de branche. Elle a également plafonné les indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif, une mesure visant à réduire l'incertitude juridique pour les employeurs.
Ordonnances macron : négociations collectives et dialogue social
Les ordonnances Macron de 2017 ont poursuivi et amplifié la réforme du Code du travail. Elles ont notamment fusionné les instances représentatives du personnel en un Comité Social et Économique (CSE) unique, simplifiant ainsi le dialogue social dans l'entreprise. Les ordonnances ont également renforcé la primauté des accords d'entreprise sur les accords de branche dans de nombreux domaines, donnant plus de latitude aux entreprises pour adapter leurs règles internes.
La simplification du dialogue social et la décentralisation de la négociation collective visent à permettre une meilleure adaptation des règles aux réalités du terrain, favorisant ainsi la compétitivité des entreprises tout en préservant les droits des salariés.
Réforme de l'assurance chômage et incitations au retour à l'emploi
La réforme de l'assurance chômage, initiée en 2019 et pleinement mise en œuvre en 2021 après plusieurs reports dus à la crise sanitaire, a profondément modifié les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi. Elle a notamment revu les conditions d'éligibilité et le mode de calcul de l'allocation, avec pour objectif de lutter contre la précarité et d'inciter davantage au retour à l'emploi durable. La réforme a également introduit un système de bonus-malus sur les cotisations employeurs dans certains secteurs, visant à pénaliser le recours excessif aux contrats courts.
Politiques actives pour l'insertion professionnelle
Au-delà des réformes structurelles, la France a mis en place une série de politiques actives visant à favoriser l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi. Ces initiatives combinent formation, accompagnement personnalisé et incitations financières pour faciliter le retour à l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail.
Plan d'investissement dans les compétences (PIC) : formation des demandeurs d'emploi
Le Plan d'Investissement dans les Compétences (PIC), lancé en 2018, représente un effort sans précédent pour former les demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés et les jeunes éloignés du marché du travail. Doté d'un budget de 15 milliards d'euros sur cinq ans, le PIC vise à former un million de demandeurs d'emploi peu qualifiés et un million de jeunes éloignés du marché du travail. L'accent est mis sur les compétences numériques et les métiers en tension, pour répondre aux besoins actuels et futurs des entreprises.
Contrats aidés et parcours emploi compétences (PEC)
Les contrats aidés, longtemps utilisés comme outil de lutte contre le chômage, ont été réformés et remplacés par les Parcours Emploi Compétences (PEC) en 2018. Ces nouveaux contrats mettent l'accent sur l'accompagnement et la formation, avec l'objectif de favoriser une insertion durable dans l'emploi. Les PEC ciblent principalement les personnes les plus éloignées du marché du travail, notamment dans le secteur non-marchand.
Dispositifs d'accompagnement renforcé par pôle emploi
Pôle emploi a développé plusieurs dispositifs d'accompagnement renforcé pour les demandeurs d'emploi rencontrant le plus de difficultés. Parmi ces dispositifs, on peut citer l' Accompagnement Global , qui associe un suivi professionnel par Pôle emploi à un accompagnement social par les services du département. L'objectif est de lever les freins périphériques à l'emploi (logement, santé, mobilité) tout en travaillant sur le projet professionnel.
Soutien à l'innovation et à la création d'emplois
La dynamisation de l'emploi passe également par le soutien à l'innovation et à la création d'entreprises, sources potentielles de nouveaux emplois. La France a mis en place plusieurs dispositifs visant à favoriser l'émergence de startups innovantes et à stimuler la R&D dans les entreprises existantes.
French tech et écosystème des startups
L'initiative French Tech, lancée en 2013, vise à structurer et promouvoir l'écosystème des startups françaises. Elle s'appuie sur un réseau de 13 Capitales French Tech
et 38 Communautés French Tech
en France et à l'international. Le programme offre un accompagnement aux startups à fort potentiel de croissance, facilitant leur accès au financement et leur développement à l'international. Cette politique a contribué à l'émergence de nombreuses licornes françaises, ces startups valorisées à plus d'un milliard de dollars.
Crédit d'impôt recherche (CIR) et innovation dans les entreprises
Le Crédit d'Impôt Recherche (CIR) est un dispositif fiscal majeur visant à soutenir les efforts de R&D des entreprises. Il permet aux entreprises de déduire une partie de leurs dépenses de recherche de leur impôt sur les sociétés. En 2021, le CIR représentait une dépense fiscale de plus de 6 milliards d'euros, témoignant de l'importance accordée par les pouvoirs publics à l'innovation comme moteur de la compétitivité et de la création d'emplois.
L'innovation est un levier essentiel pour la création d'emplois qualifiés et la compétitivité de l'économie française dans un contexte de concurrence internationale accrue.
Pôles de compétitivité et clusters régionaux
Les pôles de compétitivité, lancés en 2004, visent à favoriser les synergies entre entreprises, centres de recherche et établissements de formation autour de projets innovants. Ces clusters régionaux, spécialisés dans des domaines technologiques spécifiques, jouent un rôle important dans le développement de l'innovation et la création d'emplois qualifiés au niveau local. On compte aujourd'hui 54 pôles de compétitivité en France, couvrant des secteurs aussi variés que l'aéronautique, les biotechnologies ou les énergies renouvelables.
Adaptation de la main-d'œuvre aux mutations économiques
Face aux transformations rapides de l'économie, notamment sous l'effet de la digitalisation et de la transition écologique, l'adaptation des compétences de la main-d'œuvre est devenue un enjeu crucial. Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour favoriser cette adaptation et sécuriser les parcours professionnels.
Gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC)
La Gestion Prévisionnelle de l'Emploi et des Compétences (GPEC) est un outil stratégique permettant aux entreprises d'anticiper les évolutions des métiers et des compétences nécessaires à moyen terme. Elle vise à aligner les ressources humaines avec la stratégie de l'entreprise, tout en favorisant l'employabilité des salariés. La GPEC est obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés, mais de nombreuses PME l'adoptent volontairement pour mieux gérer leurs ressources humaines.
Formation professionnelle continue et compte personnel de formation (CPF)
La réforme de la formation professionnelle de 2018 a profondément modifié le paysage de la formation continue en France. Le Compte Personnel de Formation (CPF) est devenu l'outil central de cette réforme, permettant à chaque actif de cumuler des droits à la formation tout au long de sa carrière. Le CPF est désormais crédité en euros et non plus en heures, offrant plus de flexibilité aux salariés pour choisir et financer leurs formations.
L'application mobile MonCompteFormation
a simplifié l'accès à la formation, permettant aux utilisateurs de consulter leurs droits, rechercher des formations et s'y inscrire directement depuis leur smartphone. Cette digitalisation de l'accès à la formation vise à démocratiser la formation continue et à favoriser l'adaptation continue des compétences.
Reconversion industrielle et transitions professionnelles
Face aux mutations économiques et aux défis de la transition écologique, la reconversion des salariés des secteurs en déclin est devenue une priorité. Le dispositif Transitions collectives , lancé en 2021, vise à faciliter la reconversion des salariés dont l'emploi est menacé vers des métiers porteurs dans leur bassin d'emploi. Ce dispositif s'appuie sur une collaboration entre les entreprises, les partenaires sociaux et les acteurs locaux pour identifier les besoins en compétences et organiser les parcours de reconversion.
Mesures ciblées pour les publics prioritaires
Certains groupes de population rencontrent des difficultés particulières sur le marché du travail et font l'objet de mesures spécifiques visant à favoriser leur insertion ou leur maintien dans l'emploi.
Plan "1 jeune, 1 solution" pour l'emploi des jeunes
Lancé en 2020 en réponse à la crise sanitaire, le plan "1 jeune, 1 solution" vise à faciliter l'entrée dans la vie professionnelle des jeunes, particulièrement touchés par la crise économique. Ce plan comprend une série de mesures, dont :
- Des aides à l'embauche pour les entreprises recrutant des jeunes
- Un renforcement des dispositifs d'alternance (apprentissage et contrats de professionnalisation)
- Des formations qualifiantes vers les secteurs et métiers d'avenir
- Un accompagnement renforcé et personnalisé pour les jeunes éloignés de l'emploi
Le plan a permis de maintenir un niveau élevé d'embauches de jeunes malgré le contexte économique difficile, avec plus de 3 millions de jeunes ayant bénéficié d'une solution (emploi, formation, stage) depuis son lancement.
Dispositifs d'insertion pour les chômeurs de longue durée
Les chômeurs de longue durée font l'objet de dispositifs spécifiques visant à favoriser leur retour à l'emploi. Parmi ces initiatives, on peut citer l'expérimentation Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD), lancée en 2016 et étendue en 2020. Cette expérimentation vise à proposer un emploi en CDI à tous les chômeurs de longue durée volontaires sur un territoire donné, en créant des Entreprises à But d'Emploi
(EBE) qui développent des activités utiles localement et non concurrentes avec l'économie locale existante.
Stratégies d'inclusion pour les travailleurs seniors
Face au vieillissement de la population active et à la nécessité de prolonger les carrières, des mesures spécifiques ont été mises en place pour favoriser l'emploi des seniors. Parmi celles-ci :
- Le contrat de génération, visant à favoriser l'embauche de jeunes tout en maintenant l'emploi des seniors
- Des aides à l'embauche pour les demandeurs d'emploi de plus de 45 ans
- Des dispositifs de formation et de reconversion adaptés aux travailleurs âgés
- La promotion du mentorat et de la transmission des compétences entre générations
Ces stratégies visent à valoriser l'expérience des seniors tout en facilitant leur adaptation aux évolutions technologiques et organisationnelles.
La dynamisation de l'emploi en France s'appuie ainsi sur un ensemble de stratégies complémentaires, allant des réformes structurelles du marché du travail au soutien à l'innovation, en passant par l'adaptation des compétences et des mesures ciblées pour les publics les plus fragiles. L'efficacité de ces politiques dépendra de leur capacité à s'adapter aux évolutions rapides du monde du travail et à répondre aux défis spécifiques de l'économie française.